Le thérapeute

En thérapie primale, le thérapeute qui donne au patient un peu d’amour sur le moment, par exemple en lui tenant la main quand il ressent une terrible souffrance, l’aide à remonter le temps jusqu’à l’époque où il n’était pas aimé. Il doit s’ouvrir complètement à cette souffrance, car il ne peut ressentir ce qu’est l’amour sans avoir d’abord ressenti qu’il n’était pas aimé. En revivant ce traumatisme, il va se libérer et retrouver sa santé sexuelle, parce que la sexualité n’est faite que de sensations et de sentiments qui étaient jusque-là bloqués par le refoulement.

Le but du refoulement est de restreindre l’accès à ces sensations. En cas de traumatisme prénatal ou natal, il se met en place très tôt pour nous empêcher de ressentir notre souffrance, mais il va du même coup bloquer notre sensibilité en nous distanciant de nos expériences. Nous serons donc incapables de pleinement ressentir l’amour que nous témoigneront nos parents pendant notre enfance, puis nos partenaires à l’âge adulte. Le refoulement aura bloqué notre faculté de recevoir des « inputs », quels qu’ils soient, pour éviter toute perturbation provoquée par des stimulations externes. Il ne concernera pas seulement le fait de n’avoir pas été touché ou aimé dans notre petite enfance et affectera la globalité de notre être et de notre organisme, y compris le fonctionnement de notre sexualité.

L’observation des autres primates peut nous aider à comprendre ce processus. Les singes enfermés dans un zoo ont une sexualité moins active que dans leur habitat naturel. Leur physiologie et leurs hormones se gardent bien d’engendrer une progéniture dans un tel environnement, et leur système endocrinien se modifie, comme s’il voulait dire : « Nous ne voulons pas élever nos bébés dans des cages ». Plus on réprime leurs instincts afin de les « apprivoiser », moins leur sexualité est forte. En revanche, elle augmente dès qu’on les remet en liberté. Les emprisonner perturbe le mécanisme de survie de l’espèce.

NOS PROBLEMES SEXUELS NE SONT PAS DE SIMPLES PROBLEMES SEXUELS, CAR LE TRAUMATISME NOUS AFFECTE SUR TOUS LES PLANS.

Nos comportements sexuels sont déterminés par les circonstances de notre naissance et de notre enfance. Notre vie sexuelle n’est pas distincte de notre moi, elle reflète directement ce que nous sommes. Aussi simpliste que cela puisse paraître, l’erreur la plus courante dans le traitement des troubles sexuels consiste à croire que le fonctionnement sexuel peut être extrait de l’ensemble de la personnalité et traité à part.

Refoulement et libération

La prise de conscience–l’intégration des sentiments refoulés–est une libération qui supprime la terrible souffrance du traumatisme précoce. La plupart des traitements des troubles sexuels se fondent sur des conseils, des exercices spéciaux, des médicaments, des appareils, des crèmes, des aphrodisiaques ou des thérapies sexuelles. Pour les thérapeutes, ces dysfonctionnements sont une question de réglage, d’ajustement ou de bricolage, mais le cerveau et la physiologie reprennent presque toujours le dessus après ce genre d’intervention conventionnelle. Les sentiments/besoins ne peuvent être dirigés : il faut les ressentir.

Si le problème apparent est traité comme le problème profond, et non comme un symptôme, on ne peut rien espérer de mieux qu’une légère amélioration, sans véritable guérison. C’est ce qu’on observe chez les Alcooliques Anonymes et chez toutes les associations de soutien de ce type : ce n’est pas l’origine du trouble, le traumatisme, qui est prise en compte, mais seulement le symptôme, l’abus d’alcool.

On ne peut ressentir une vie entière de souffrance en une seule séance. Trop de choses doivent refaire surface, et notre organisme a un système de contrôle qui lui permet de ne ressentir et de n’intégrer qu’une petite partie du sentiment à la fois. Il est donc important que les patients revivent leur souffrance lentement, en prenant leur temps.

Nous examinons le problème, nous trouvons son origine, puis nous le résolvons peu à peu.

Aucun séminaire de week-end ne pourra faire la même chose. L’expérience doit être entièrement revécue pour que la guérison puisse s’effectuer. Cela se fait sans effort et, un beau jour, le patient s’écrie : « Ah ! Mais c’est pour ça que je… »

Et il n’y a rien de plus doux que ce « Ah ! »